Ne pas parler hébreu c'est chiant, frustrant, handicanp, énervant.
Se retrouver à un guichet et chercher des mots simples. Comment on dit envoyer déjà ? La fille en face aimerait bien prendre le temps mais elle passe direct sur l'anglais. Ca me fait mal. Je prends ça comme une tape paternaliste accompagnée d'un index qui m'indique la pataugeoire alors que je voudrais me jeter dans le grand bassin.
A la réunion des parents d'élèves d'Anouk, j'ai écouté attentivement la maîtresse. Les mots me parvenaient. Je les connaissais mais mis bout à bout la phrase n'avait aucun sens.
Travailler. Bachoter. Reviser encore et encore.
Quand je marche dans la rue je chope des mots, des bouts de conversation. L'hébreu est un train qui roule trop vite pour moi. Essayer de se raccrocher aux wagons encore et toujours.
Ecrire. Corriger. Ecrire encore.
Ah bon là c'est un "ahin", moi j'ai mis un "hé". Croire qu'on a compris le soir en faisant ses devoirs. Le lendemain, se rendre compte en cours qu'en fait, on a tout faux. Comment on dit "fait chier sa race maudite" en hébreu.
Ne pas parler. Ne pas se faire entendre c'est pour moi à la limite de la transparence. Il y a des filles qui rentrent dans une pièce, elles existent. Elles sont. Moi tant que j'ai pas parlé, je passe inaperçue.
Depuis mon alyah,
- je mesure combien ca va être dur d'être aussi à l'aise à l'oral en hébreu qu'en français.
- je comprends que ce sera impossible d'ecrire aussi bien en hébreu qu'en français.
Est ce que j aurais en hébreu ce sens du recit que je crois avoir en Français ?
ESt-ce qu'un jour je parlerais aussi vite que ma voisine qui sourit tout le temps ?
Est-ce qu'en hébreu je pourrais faire deux ou trois de mes blagues que je juge drôles ?
Bref, est-ce que je continuerais à être moi, en hébreu.... ?
Le plus dur c'est de ne pas pouvoir lire les journaux, déchiffrer es titres, décrypter les légendes des photos. Aujourd'hui, notre prof, Orith nous a expliqué que la couleur du fond des articles avait un lien avec le sujet. quand c'est rouge, c'est que l'actualité est poignante ( attaque, décès, catastrophe), kaki c'est pour l'actualité liée à l'armée et à la situation sécuritaire du pays....
Avant la fin du cours, elle nous a donné une page de journal. une fois rentrée, j'ai tenté de le déchiffrer, j'ai pris un long papier. j'ai abandonné, j'ai pris un petit article, j'ai laissé tomber. je me suis rabattue sur une brève ... sans succès.
Pour finir même la pub d'un supermarché m'était aussi obscure qu'une analyse de Finkelkraut sur la laïcité. la mort dans l'âme, j'ai rangé ma feuille de journal, j'ai repris mon cahier, pour Travailler. Bachoter. Reviser encore et encore.
L'apprentissage c'est une leçon d'humilité de chaque instant. la langue c'est aujourd'hui la pièce manquante entre moi et les gens, moi et Israël.
Travailler. Bachoter. Reviser encore et encore.
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