05 décembre, 2012

De l’utilité de lire des noms


Dimanche 9 décembre 2012, à l’occasion du 70e anniversaire de la Rafle des Juifs de Tunis, une cérémonie se tiendra au mémorial de la Shoah. On m’a demandé d’y lire une partie des noms des personnes raflées. J’ai dit oui sans hésiter. 



C’est Raphaël Haddad - ancien président de l’Union des étudiants juifs de France connu également pour avoir perturbé avec talent l’intervention du N°1 iranien à la tribune de Durban II, affublé d’une perruque de clown – qui m’a demandé de participer à cette lecture de noms.

Dimanche à 10H45, je me raclerai la gorge avant d’énumérer les noms parmi des victimes de la barbarie nazie, décédées en camp de travail. Des noms de familles, des prénoms. J’ai longtemps trouvé inutile ce genre de cérémonie. Je me revois souffler devant celles et ceux qui égrenait ces listes de noms dans un micro raccordé à une sono mal réglée.

Pourquoi ai-je accepté, me direz-vous ? L’âge aidant je dois estimer que cela fait partie des maigres outils dont nous disposons pour faire vivre ce que l’on appelle à tort « le devoir de mémoire ».

Et puis, je me souviens de cette émission de radio que j’animais sur Radio Shalom au milieu des années 2000. Je recevais ce jour-là, Clémence Boulouque pour la sortie de son premier roman « Mort d’un silence ». Publié chez Gallimard, ce récit court et terriblement juste, racontait le suicide  de son père, juge anti-terroriste. 

Pour pallier mon manque d’expérience de l’époque et ma voix mal assurée, j’avais soigneusement préparer mes questions.  En préambule de l’entretien, j’avais  rappelé qui était le père de l’auteur. Je ne savais pas qu’entre eux les journalistes nommaient les magistrats par leurs seuls  noms de famille (le juge Haphen, la juge Prévost-Desprez etc…). J’ai donc pris soin pour rafraîchir la mémoire de l’auditeur de revenir sur les circonstances de la mort du « Juge Gilles Boulouque ». En entendant le prénom de son père (qui se trouve être aussi le prénom du mien), Clémence Boulouque m’a remercié. « Ca fait très longtemps que je n’ai pas entendu un journaliste prononcé le prénom de mon père ».

Ce jour-là, j’ai compris que rappeler un prénom était une façon de rappeler une vie. Derrière le Juge Boulouque, il y avait Gilles, un père de famille, un mari. Dire le nom des victimes de la Shoah c’est rappeler que derrière les chiffres, les dates et les numéros de convois, il y avait des vies, des hommes, des femmes, des enfants. Réciter des noms c’est pointer du doigt l’individuel et balayer le collectif.

Voilà pourquoi dimanche j’ai accepté de lire des noms. Je sais que dans l’assistance, certains se demanderont si cela sert vraiment à quelque chose. Moi, je suis convaincue, aujourd'hui, que ce n'est pas totalement vain.

Détails de la cérémonie qui débute à 10H45 au Mémorial de la Shoah, ici



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