Dimanche 9 décembre 2012, à l’occasion du 70e anniversaire de la Rafle des Juifs de Tunis, une
cérémonie se tiendra au mémorial de la Shoah. On m’a demandé d’y lire une
partie des noms des personnes raflées. J’ai dit oui sans hésiter.
C’est
Raphaël Haddad - ancien président de l’Union des étudiants juifs de France connu
également pour avoir perturbé avec talent l’intervention du N°1 iranien à la tribune de Durban II,
affublé d’une perruque de clown – qui m’a demandé de participer à cette
lecture de noms.
Dimanche à 10H45, je
me raclerai la gorge avant d’énumérer les noms parmi des victimes de la
barbarie nazie, décédées en camp de travail. Des noms de familles, des prénoms.
J’ai longtemps trouvé inutile ce genre de cérémonie. Je me revois souffler
devant celles et ceux qui égrenait ces listes de noms dans un micro raccordé à
une sono mal réglée.
Pourquoi
ai-je accepté, me direz-vous ? L’âge aidant je dois
estimer que cela fait partie des maigres outils dont nous disposons pour faire
vivre ce que l’on appelle à tort « le devoir de mémoire ».
Et
puis, je me souviens de cette émission de radio que j’animais sur Radio Shalom
au milieu des années 2000. Je recevais ce jour-là, Clémence Boulouque pour la
sortie de son premier roman « Mort d’un silence ». Publié chez
Gallimard, ce récit court et terriblement juste, racontait le suicide de son père, juge anti-terroriste.
Pour
pallier mon manque d’expérience de l’époque et ma voix mal assurée, j’avais
soigneusement préparer mes questions.
En préambule de l’entretien, j’avais rappelé qui était le
père de l’auteur. Je ne savais pas qu’entre eux les journalistes nommaient les
magistrats par leurs seuls noms de
famille (le juge Haphen, la juge Prévost-Desprez etc…). J’ai donc pris soin
pour rafraîchir la mémoire de l’auditeur de revenir sur les circonstances de la
mort du « Juge Gilles Boulouque ». En entendant le prénom de son père
(qui se trouve être aussi le prénom du mien), Clémence Boulouque m’a remercié.
« Ca fait très longtemps que je n’ai pas entendu un journaliste prononcé
le prénom de mon père ».
Ce
jour-là, j’ai compris que rappeler un prénom était une façon de rappeler une
vie. Derrière le Juge Boulouque, il y avait Gilles, un père de famille, un
mari. Dire le nom des victimes de la Shoah c’est rappeler que derrière les
chiffres, les dates et les numéros de convois, il y avait des vies, des hommes,
des femmes, des enfants. Réciter des noms c’est pointer du doigt l’individuel
et balayer le collectif.
Voilà pourquoi dimanche j’ai accepté de lire des noms. Je sais
que dans l’assistance, certains se demanderont si cela sert vraiment à quelque chose. Moi, je suis convaincue, aujourd'hui, que ce n'est pas totalement vain.
Détails de la cérémonie qui débute à 10H45 au Mémorial de la Shoah, ici
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