15 septembre, 2013

Alyah - Episode 7 : 1er kippour en Israël


Pour moi, à Paris, kippour se résumait à aller à la synagogue et lutter contre le mal de tête. J’aimais bien me rendre à la synagogue et regarder les gens aller au travail, sortir de Chez Monoprix, téléphoner à la terrasse d’un café, garer leur voiture. Finalement c’est ce jour, jour le plus restrictif du calendrier juif, où je prenais pleinement conscience d’être une juive en Diaspora.
On m’avait dit, « Tu verras Kippour en Israël c’est génial ». Franchement je dois bien avouer que c’est plus « étrange » que « génial ». Ok les rues sont envahies par des piétons et autres vélos. Seules les ambulances circulent. En dehors de cette « découverte », j’ai passé une journée ... bizarre.

Vendredi soir, impossible de dormir à cause de bruit venant de dehors. Quand je me lève pour voir « ce qui se passe bordel ? », je vois des gens, tous bien habillés, entrain de marcher, de parler. Les enfants, autour, crient. Je leur aurais bien hurlé « He Oh c’est kippour il est 23H, y a des gens qui voudraient bien dormir » mais bon je me suis abstenue.

Le lendemain pour cause « de deux enfants dont un bébé », j’ai décidé de rester à la maison et de ne pas engorger d’avantage l’entrée de la synagogue déjà pleine de poussettes. Le temps m’a paru long. J’ai butiné de livres en livres, tenté tant bien que mal d’occuper une gamine de 5 ans et demi. Vers 16h, on a été au Parc. En me répétant intérieurement, « on peut porter mais oui ici on peut porter », j’ai fait le plein d’eau, de bambas.

Au Parc – deux toboggans et une balançoire qui grince - Anouk m’a demandé pourquoi on n’avait pas pris les vélos, « tout le monde fait du vélo ». J’allais lui expliquer que tout le monde est juif içi mais que tout le monde ne fait pas kippour quand une femme avec une fillette en vélo m’aborde.

Je viens de donner à boire à Anouk, j’ai encore la bouteille dans la main, elle me dit « C’est Kippour, assour (interdit)  to drink and to eat outside ». Je suis un peu soufflée par le culot de la meuf qui vient de prendre le vélo de sa fille dans le coffre de sa voiture et qui a dans sa main son portable. Je lui explique que ma fille a 5 ans et demi et qu’elle a soif. Qu’à ma connaissance le téléphone, le vélo et la voiture c’est « assour » à Kippour. Elle s’excuse et pensait que c’est moi qui buvait. Elle m’explique que par respect pour ceux qui font kippour personne ne boit ni ne mange hors de sa maison. Là je me dis que j’habite à Raanana et qu’à Tel Aviv, ça ne se serait sans doute pas passer comme ça mais bon. Elle me salue et s’en va. Je lui souris en me disant « C’est ça, casse-toi ».
A Paris, je connaissais toutes sortes de juifs. Certaines personnes ne respectaient pas totalement kippour. Il y a  celles qui mangeaient.  Il y celles qui ne mangeaient pas mais qui regardaient la télé. Il y a celles qui allaient à la synagogue mais en voiture. Dans ma tête, et sans jamais que je leur en fasse la remarque, il y avait ceux qui faisait Kippour et ceux qui ne le faisaient pas. 

De façon générale, à Paris, il y avait les juifs pratiquants et ceux qui l’étaient moins voire pas. Les premiers mangeaient casher, allaient à la synagogue, mettaient leurs enfants en école juive. Pour eux c’était un mode de vie, pour les autres, et c’est leur choix, c’était de l’agrément, de l’accessoire.  Pratiquants / pas pratiquants. Deux groupes.

En Israël, c’est plus complexe, plus flou, plus bordélique. Un ancien délégué de l’Agence Juive me disait, très justement, « En diaspora, tu te définis comme juif. En Israël, tu dois te demander quel juif tu es ? ».
Pour choisir l’école d’Anouk ça a été tout un poème. Tu as le public religieux, le public non-religieux. Dans les écoles privées religieuses, tu as celles où les filles portent des collants toute l’année, celles où les parents ne doivent pas avoir la télé, celles où les mamans à la sortie doivent se couvrir la tête. A chaque démarche, je me disais, « Ok mais ca est-ce que c’est nous ».

Alors qu’à Paris, Diaspora oblige, je serais rentrée dans n’importe quelle synagogue consistoriale en m’y sentant chez moi, ici, ca frise le jeu de piste. Il y a autant de sortes de synagogues que de sortes de juifs, c’est-à-dire beaucoup. Reste à savoir, moi, quelle juive je suis.

1 commentaire:

  1. Super article
    c'est un des problèmes de la diaspora : enfermer l'individu dans un judaïsme en repoussant tout ceux qui ne sont pas dans le moule...
    Merci pour ce blog

    RépondreSupprimer