25 décembre, 2012

Le beau gosse du lycée vieillit mal en général



Je me souviens très bien de lui. C’était en 1ere. On devait être en 1991 ou 1992.  Je venais d’intégrer  ce grand lycée de l’Ouest parisien. Il arrivait souvent en retard, s’installait fond de la classe. Et là, pendant que la cloche sonnait annonçant le début du cours, la plupart des filles se levaient pour aller lui faire la bise. Elles virevoltaient autour de lui, qui tel un souverain trônait affalé sur sa chaise ou se balançant nonchalamment. Chacune de ses phrases provoquait des gloussements et des "Oh" d'admiration.



Les rares fois où il a daigné me saluer, je pouvais mettre ma main à couper qu’il allait me demander quelque chose dans la journée. Je vous arrête, mon physique plutôt ingrat à l’époque et mon manque de confiance en moi, nos rares échanges en une année se sont limités à des : « T’as pas une double feuille ? » ou « Y a un contrôle d’éco aujourd’hui, t’es sûre ».

Et évidemment, cessons-là tout suspens, M. (puisque nous l’appellerons ainsi) était beau, oui beau à tomber par terre. M. était l’archétype du beau gosse. Pas doué pour les équations mais jouissant d'un franc succès auprès des filles. Le genre de garçon que des filles d’autres classes attendent à la sortie de la classe, le type qu’on attend pour la pause-déjeuner, le garçon qui s’il vous parle dans la cour devant témoin fait grimper votre côte. Quant à la fille qui avait la chance de sortir avec lui, elle bénéficiait immanquablement des honneurs dus à son rang, fussent-ce quelques semaines. Ensuite, elle pouvait surfer sur cette aventure, aussi courte soit-elle, toute une année scolaire.

Si je vous parle de M. c’est que je l’ai croisé la semaine dernière. Deux fois. La première fois, il pleuvait. Il avançait la tête légèrement inclinée en poussant une poussette-double. De chaque côté, un enfant. Certes la démarche est un peu lourde. Sa barbe de trois jours et sa parka kaki ne l’avantagent pas mais aucun doute c’était bien lui. Bon, là encore pas de suspens. Lui ne m’a pas reconnue. la deuxième fois c'était dans une épicerie casher de Levallois-Perret. Il arpentait les rayons tirant un panier et checkant au téléphone la marque de charcuterie à prendre.

Les beaux gosses du lycée vieillissent mal, en général. Telles les vedettes des séries télé de notre enfant, qui ont disparu de la circulation. Promises à un brillant avenir, elles ont enchaîné les téléfilms un peu comme Mike Seaver de la série « Quoi de neuf docteur ? » sans jamais percer au cinéma.



Obscur objet du désir de nos années d’adolescentes, le beau gosse du lycée est aujourd’hui marié, papa, employé. Un constat à la fois décevant et encourageant. Décevant parce qu'en plus de mesurer la distante parcourue depuis notre adolescence - oui nous aussi on a vieilli - on se rend compte qu'on a fantasmé sur un type finalement quelconque.

C'est aussi un constat encourageant. Un jour, ma fille se pâmera devant le beau gosse de son lycée. Je lui dirai, comme j'aurais aimé qu'on me dise à l'époque : « Lui, pfff.... dans 20 ans, il aura pris 10 kilos, il sera marié à une nana qui le mènera à la baguette. Pour oublier qu’elle a gardé 5 kg à chaque grossesse, elle le martyrisera psychologiquement. Papa d’une famille nombreuse et pratiquante, il troquera ses vêtements de marques contre des casquettes de papi. ».  Si on m'avait soufflé ces quelques mots à l'oreille, je l’aurais moins idéalisé, j’aurais sans doute osé l’aborder ou peut-être juste lui répondre quand pour faire rire sa cour, ses vannes tombaient sur moi comme l’opprobre. 

Oui, il aurait juste fallu  que quelqu’un me dise, « Lui ? Laisse le temps au temps. La vérité d’aujourd’hui n’est pas celle de demain et n’oublie pas c’est à la fin du bal qu’on paye les musiciens ».

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